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Journal d'information, d'analyse sociopolitique et culturelle


Cour Pénale Spéciale: Que retenir de l’Arrêt de la Chambre d’Appel du 20 juillet 2023 dans l’affaire des tueries de Koundjili et Lemouna

Publié le 20 Juillet 2023, 21:18pm

Catégories : #Justice

Cour Pénale Spéciale: Que retenir de l’Arrêt de la Chambre d’Appel du 20 juillet 2023 dans l’affaire des tueries de Koundjili et Lemouna

Par Héritier Brilland NDAKPANGA

La Chambre d’Appel de la Cour Pénale Spéciale (CPS) de la République Centrafricaine (RCA) a statué ce 20 juillet 2023 sur les appels interjetés contre le jugement de la Première Section d’Assises du 31 octobre 2022dans l’affaire le parquet spécial contre Issa-Sallet, Yaouba et Mahamat relative aux tueries de Koundjili et Lemouna.

En l’espèce, les villages de Koundjili et Lemouna situés dans la préfecture de Lim-Péndé au Nord-est de la RCA ont été la cible le 21 mai 2019 des attaques simultanées des membres du groupe armé 3R (Révolution, Justice et Réclamation). Dans le premier village (Lemouna), les assaillants ont rassemblé et ligoté les hommes du village et leur ont tiré dessus. On dénombre vingt-trois hommes tués et trois autres blessés[1]. Tan disque dans le second (Koundjili), les assaillants ont également enjoint à des habitants de se coucher face contre terre avant de les fusiller. Quinze personnes sont tuées. Au cours de la même attaque, six femmes dont deux mineurs prétendent avoir été victimes des violences sexuelles[2].

ISSA SALLET alias Bozize, YAOUBA Ousman et MAHAMAT Tahir présumés responsables de ces actes ont été arrêtés et remis à la CPS le 24 mai 2019. Les trois membres du groupe 3R sont poursuivis sur la base de leur responsabilité pénale individuelle conformément aux dispositions de l’art. 55 de la Loi organique n°15.003 de 2015 pour crimes contre l’humanité (meurtres et actes inhumains) et crimes de guerre (meurtres, atteintes à la dignité de la personne notamment les traitements humiliants et dégradants et tortures) commis le 21 mai 2019 à Koundjili et Lemouna.

En plus de sa responsabilité individuelle, ISSA SALLET alias Bozize est poursuivi aussi en qualité de chef militaire au sens de l’article 57 de la Loi organique de 2015 pour viols commis par ses subordonnés constitutifs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

La Première Section d’Assises dans son jugement du 31 octobre 2022  a reconnu les trois accusés coupables pour les chefs d’accusation sus-évoqués à l’exception de celui de torture. La Cour n’étant pas convaincue que les actes soient « d’une gravité objective suffisante pour constituer le degré de souffrance requis pour la torture ». Et qu’« aucune preuve n’a été rapportée au procès que ces agissements visaient à atteindre un certain but ou objectif ».  Par ailleurs, la culpabilité d’ISSA SALLET alias Bozizé a été établie en sa qualité de chef militaire pour viols commis par ses subordonnés constitutifs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Koundjili et été condamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité tan disque ces co-accusés MAHAMAT Tahir et YAOUBA Ousman ont écopé chacun, de vingt (20) ans d’emprisonnement ferme.

La défense ainsi que le Procureur spécial ont interjeté appel contre le jugement de la Section d’assises mais seul le premier a été déclaré recevable par la Chambre d’Appel. Les accusés allèguent d’une part, de nombreuses violations de leur droit à un procès équitable (5 moyens), et d’autre part, des erreurs de droit et de fait de nature à invalider le jugement rendu en première instance c’est-à-dire le fond du jugement de la Section d’assises, y compris la détermination des peines (12 moyens).

La Chambre d’Appel était finalement amenée à répondre à laquelle de savoir si les trois accusés sont coupables des faits de crimes de guerre et de crimes contre l’humnaité commis à Koundjili et Lemouna comme l’a déterminé la Section d’Assise.

Statuant en dernier ressort, la Chambre d’Appel a reformé le jugement querellé en déclarant tous les accusés coupables des chefs d’accusation sus-évoqués à l’exception pour ISSA SALLET alias Bozizé des faits du crime contre l’humanité d’autres actes inhumains (article 153 alinéa 12 du Code pénal) et du crime de guerre d’atteintes à la dignité des personnes (article 156 du Code pénal en combinaison avec l’article 3-1-c commun aux Conventions de Genève) en ce qui concerne les événements survenus le 21 mai 2019 à Koundjili. Sa peine est par conséquent, réduite à 30 ans d’emprisonnement tan disque celles de ses co-accusés sont restées inchangées.

Cette première condamnation définitive prononcée par la CPS à un trimestre de son cinquième anniversaire, appelle à réfléchir sur deux points relativement à la mission de lutte contre l’impunité qui lui est dévolue.

D’abord, elle a le mérite de démontrer la capacité de la CPS à conduire une procédure judiciaire de la phase d’enquête à la tenue d’un procès assortie d’un jugement de condamnation ouvrant voie à l’exécution de la peine prononcée. De quoi conclure à son aptitude à être à la hauteur des attentes des victimes, sans doute élevées.

Cependant, cette première procédure conduite à terme par la CPS a permis d’éclairer l’opinion publique sur les faiblesses de la Cour à l’instar de la lenteur de la procédure. En effet, officiellement enclenchée le 30 juillet 2019 par le réquisitoire introductif du procureur spécial, celle-ci a abouti le 20 juillet 2023 par le prononcé du verdict devant par la Chambre d’Appel ; soit près de quatre (4) années pour une affaire. En cela, la procédure devant la CPS ne se distingue guère de celle devant la CPI en termes de durée. Or, il sied de rappeler que cette CPS a une compétence temporelle limitée et que sa création dans l’organisation judiciaire centrafricaine se justifie en partie par la volonté de pallier à la lenteur procédurale, propre aux juridictions internationales. En conséquence, l’on affirmera qu’il sera difficile pour la CPS avec cette allure, de juger un nombre important de dossiers comme attendu. Un défi supplémentaire aux nombreux autres que connait déjà cette juridiction hybride dans sa mission de lutte contre l’impunité des crimes graves du droit international telle qu’énoncée à l’article 3 de sa loi de création.


[1] CPS, Résumé du jugement n°003-2022 du 31 octobre 2022

[2]Ibidem

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